L'esprit de l'ancien couvent des Blancs Manteaux aurait-il encore quelque influence dans le quartier ? Quoi qu'il en soit, il y a du monacal chez Claude Colliot. Pas dans l'ambiance et l'accueil qui sont fort chaleureux, mais dans le décor et l'assiette. On ne fait pas ici référence à l'ascèse, ce qui serait tristounet pour un restaurant, et d'ailleurs les plats sont servis copieusement. Ce qu'il y a de commun avec le goût monastique c'est une évidente inclinaison pour la sobriété, l'éradication du superflu.

C'est dans une rue tranquille du foisonnant Marais que Claude Colliot et sa femme ont choisi d'ouvrir ce premier restaurant à l'enseigne éponyme. Un détail qui n'est sans doute pas anodin pour ce chef modeste, autodidacte et plein de qualités. Avant, il y avait eu Le Bamboche et l'Orénoc à Paris, l'Iguane à Mérignac. Cette aimable fantaisie dans l'intitulé n'avait pas attiré notre attention et c'est vierge de tout a priori que nous sommes allés à la découverte de l'univers Colliot.

Le restaurant Claude Colliot : lumière du jour et ouverture sur la rue pour la première salle, ambiance sobre et plus cosy pour les salles du fond.

Derrière la grande baie ouverte sur la rue des Blancs Manteaux, l'accueil et une première salle qui profite de la lumière du jour au déjeuner. Passé un petit coin installé façon snack-bar et le long du chemin vers la cuisine, quelques tables en enfilade le long d'une banquette. Vis-à-vis de cette rangée, deux petites salles plus cosy. Dalles sombres et parquet blond au sol, aplat neutre et pierre apparente pour les murs. Le prune et le vert acidulé des sièges sont bien dans l'air du temps et l'éclairage des suspensions donne un espace d'intimité à chaque table (même dans l'alignement de la banquette). Pas de nappage, juste les couverts posés sur les serviettes pliées et des verres design.
Nous avons opté pour la banquette, tout près de la cuisine et de la table de service. L'endroit parfait pour observer le fonctionnement d'un restaurant : les tensions et les approximations s'y décèlent aisément. Rien de tel chez Claude Colliot : la bonne humeur et la décontraction ne nuisent en rien à un service professionnel exécuté avec simplicité.
La carte est relativement courte : normal, Claude Colliot cuisine des produits du jour, d'une extrême fraîcheur. Il y a les " Plats Signature ", ceux que le chef estime les plus caractéristiques de son style culinaire. Pour ceux qui aiment les surprises deux menus " Cartes blanches " (54 et 65 €)… Les plats proposés changent souvent au gré des saisons, des opportunités du marché et de l'humeur de Claude Colliot. Cela peut frustrer quelques clients qui espèrent retrouver l'exacte recette qui les a enchantés précédemment, mais pensez que cela déjoue la baisse de qualité que la routine induit bien souvent.

La signature Claude Colliot : simplicité de la mise en place et dressage des assiettes épuré.

Notre déjeuner : Jasmin de foie gras et Gambas rôties tout simplement en entrée, Insolite d'agneau et Croustillant de ris de veau en plat, Agrumes, Agrumes pour finir. Les énoncés sont rudimentaires. La présentation des mets est épurée, souvent jusqu'au complet dépouillement, laissant le seul aliment dans l'assiette, les accompagnements venant à côté. Un choix risqué qui ne masque aucune éventuelle imperfection. Il n'y en a pas eu. Autant vous le dire tout de suite, Claude Colliot maîtrise l'art des cuissons –c'est la qualité la plus marquante de chef-, ce qui ne l'empêche pas d'exprimer une originalité dans le mariage des saveurs. Exemple parfait de cette alliance texture/saveur, ce foie gras à peine cuit, merveilleusement goûteux et fondant servi sur un bouillon au gingembre à peine acidulé et des légumes émincés légèrement croquants. Les gambas étaient impeccables -justes saisies et délicatement parfumées. En contrepoint, le velouté d'un potage-émulsion de chou-fleur au curry. L'abandon de toute fioriture est encore plus patent avec les deux plats : à peine une petite touche de condiment à la mangue avec le ris de veau, la nudité absolue pour l'agneau. Les deux nous ont été servis avec une purée de pommes de terre violette et crème fouettée et de beaux légumes bien fermes. La qualité de ces deux produits était éclatante, leur cuisson épatante. Le ris de veau tout à la fois croustillant et moelleux, encore un peu rosé à cœur. L'agneau -les agneaux pourrait-on dire car il y avait différents morceaux de cette excellente bête-, surprenant de suavité, le gras de quelques bouchées se laissant fondre sur le palais comme une friandise. Sans une gourmande curiosité, nous aurions arrêté là les agapes, la générosité de Claude Colliot nous ayant amplement rassasiés. Un "Agrumes, Agrumes", déclinaison de différents agrumes en diverses préparations, pour deux s'est révélé une délicieuse note finale, légère et pleine de subtilité.

Claude Colliot prodigue à ses hôtes une cuisine légère à consommer sans modération

L'addition pour ce repas avec un verre de Chablis, deux verres de Côte de Blaye, une eau Fresh et deux cafés : 137 €, un excellent rapport qualité / prix.
Quelques mots de félicitations échangés au moment du départ nous permettent d'ajouter que madame Colliot est d'un allant bien sympathique que des années de métier n'ont pas entamé, et que Claude Colliot respire la gentillesse. Cette gentillesse de cuisiner par envie de régaler ses clients, et non pour les épater.

Fermeture heddomadaire : dimanche et lundi
Fermeture annuelle : août